Réparation de plaies

   La réparation de plaies fait partie de la pratique médicale quotidienne, que ce soit dans un contexte de traumatisme à l’urgence ou d’incision pratiquée lors d’une opération. Au fil des années, et avec l’acquisition d’expérience, chaque médecin développe ses préférences en ce qui a trait au matériel et à la technique utilisés. Toutefois, les buts de la réparation de plaie demeurent toujours les mêmes: minimiser les risques d’infections, assurer la fonctionnalité de la partie atteinte et optimiser l’aspect esthétique. Ainsi, certains principes de base doivent être connus et respectés. La première étape est donc d’évaluer le patient et sa plaie.

   Plusieurs éléments peuvent affecter la guérison d’une plaie. C’est pourquoi il est important de connaître les antécédents pertinents du patient. Tout d’abord, plus le patient est âgé, plus la plaie se ferme lentement. Aussi, les femmes ont tendance à faire plus de cicatrices hypertrophiques que les hommes, tout comme les personnes de race noire. Un élément essentiel à toute guérison est une bonne revascularisation. Les tissus présentant une meilleure vascularisation cicatrisent plus rapidement. Ainsi, la tête et le cou guérissent plus vite que les extrémités. Des maladies affectant la vascularisation telles que le diabète et les maladies vasculaires athérosclérotiques (MVAS) peuvent donc retarder la guérison. La prise de certains médicaments a également un impact sur la prise en charge et la guérison. Par exemple, la prise d’anticoagulants ralentit l’arrêt du saignement et la cortisone prolonge le temps de guérison. Une allergie aux agents anesthésiants, aux analgésiques, au latex et aux antibiotiques est également à rechercher.

   Dans un cas de traumatisme, le mécanisme de la blessure est important à préciser puisqu’il va orienter la suite du traitement. Ainsi, on doit préciser d’il s’agit d’un trauma pénétrant ou par écrasement, une morsure, et s’il y a eu contamination avec un corps étranger. Lorsqu’il y a atteinte avec un corps étranger, il faut explorer la plaie afin de déterminer s’il y est toujours logé. Cela peut nécessiter de faire de l’imagerie pour s’assurer qu’il n’y a pas d’atteinte d’un organe, d’un os, ou pour vérifier s’il est toujours présent. A l’examen physique, il faut également rechercher une atteinte circulatoire, nerveuse, tendineuse, osseuse et articulaire. Si une atteinte est identifiée, il faut bien l’évaluer et référer le patient de façon urgente pour évaluation en chirurgie. Toute lacération traumatique ne nécessite pas une consultation en chirurgie. Toutefois, il est important qu’un chirurgien évalue le patient lorsque la plaie implique le cartilage tarse d’une paupière ou le canal lacrymal, ou espace articulaire, une fracture ouverte, une amputation partielle ou totale d’un membre, doigt ou orteil, une perte de fonction d’un membre, un tendon, un nerf ou un vaisseau.

   Finalement, toute plaie pénétrante au niveau du cou, du thorax et de l’abdomen, dépassant le fascia musculaire, doit faire l’objet d’une évaluation par un chirurgien. Nous arrivons maintenant à la réparation de la plaie. Pour ce qui est de la marche à suivre, il faut d’abord procéder à une anesthésie locale. L’agent utilisé est la lidocaïne 1 ou 2%. Lorsque l’on effectue une infiltration locale de la marge en passant au travers de la plaie, son effet débute en quelques secondes. Pour les plaies au niveau des doigts, il est utile de pratiquer un bloc digital. L’action se fera alors sentir en 4 à 6 minutes. Il est possible d’utiliser de la lidocaïne avec ou sans épinéphrine. L’épinéphrine, grâce à son effet vasoconstricteur, a pour effet de prolonger l’effet de l’anesthésie, de diminuer la toxicité liée à la lidocaïne, ce qui nous permet d’en utiliser davantage, et de diminuer le saignement. Toutefois, il ne faut pas l’utiliser sur les extrémités telles que les oreilles, le nez, les doigts, les orteils et le pénis, puisqu’elle augmente le risque d’ischémie tissulaire.

   Pour les plaies réparées sous anesthésie générale au bloc opératoire, une infiltration des marges de l’incision avec de la marcaïne (bupivacaine) est souvent pratiquée pour contrôler la douleur du patient en post-opératoire. La marcaine est un agent ayant un délai d’action plus longue et son effet dure de 4 à 8 fois plus longtemps que la lidocaïne. Un agent topique tel que la crème Emla peut être utilisé en pédiatrie. Une fois le patient bien anesthésié, il faut irriguer abondamment la plaie. En effet, les études ont démontré qu’une bonne irrigation est la meilleure prévention contre les infections. Il est donc recommandé d’utiliser une seringue de 30 à 60 cc avec une aiguille de calibre 9 G afin de générer un jet de pression suffisante. On irrigue une plaie en fonction de sa taille, soit environ 60 cc de NS (normal salin) par cm de plaie. Nous sommes alors prêts à explorer la plaie. Pour ce faire, il faut privilégier l’utilisation d’une pince griffe pour tenir les verges de la plaie, puisqu’une pince plate va écraser les bords et causer un dommage à la peau. En présence d’un saignement actif, il faut localiser la source du saignement. Pour un saignement léger au niveau d’une plaie par trauma, une simple compression avec des gazes est efficace la plupart du temps. Dans les cas de trauma ou lors de chirurgie, si le vaisseau à l’origine du saignement est facilement identifiable, on peut ligaturer celui-ci à l’aide de fils résorbables. On peut également avoir recours à l’électrocautère. Lorsque l’origine du saignement est difficile à identifier, nous pouvons utiliser un brassard à pression selon le principe du garrot pour le contrôler. Il suffit de gonfler le brassard à 30 mmHg au-dessus de la pression systolique du patient pour un maximum de 30 minutes afin de ne pas compromettre la viabilité des tissus. Lors de l’exploration de la plaie, on regarde s’il y a des tissus dévitalisés, car leur présence retarde la guérison et augmente le risque d’infection. Il est important de débrider les tissus non viables.

 Par la suite, trois types d’interventions peuvent être envisagés:

1) la fermeture primaire

2) la fermeture retardée

3) la fermeture de seconde intention

1) La fermeture primaire est la plus fréquemment adoptée. En effet, pour les plaies simples peu dévitalisées et à faible risque d’infection, on a de 6 à 12 h pour faire ce type de réparation. Il s’agit tout simplement de réapproximer les berges de la plaie.

2) La fermeture retardée est utilisée dans le cas des plaies contaminées. On procède alors à un paquetage de la plaie avec des pansements humides à changer aux 24h. Après 3 jours, on referme la plaie. Cela permet un processus de phagocytose plus efficace des tissus contaminés.

3) La fermeture secondaire résulte en une réaction inflammatoire plus intense et une guérison par le fond de la plaie avec formation de tissu de granulation. Elle est indiquée pour les plaies punctiformes, difficiles à irriguer, les plaies contaminées, les petites morsures sans nécessité cosmétique, et les plaies avec délai de présentation, soit de plus de 8-12h.

   Lorsqu’on décide de fermer une lacération, plusieurs matériaux sont à notre disposition. Tout d’abord, le fil. Les sutures sont classées selon leur force de résistance, soit de 1.0, 2.0, jusqu’à 10.0 (du plus résistant au plus faible). En général, pour les plaies au niveau du tronc et des extrémités, nous utilisons du 3.0 ou du 4.0. Pour les plaies impliquant un site sous-tension, par exemple une articulation, il faudra choisir un fil plus résistant. Pour les plaies au visage et autre site nécessitant un résultat esthétique important, on utilise un fil plus petit. Pour ce qui est de la technique donnée, je vous réfère ici à la page du département de chirurgie de l’Université de Montréal sur YouTube, où la technique des différents points est expliquée et démontrée dans plusieurs vidéos. Les éléments clés à retenir sont de piquer avec l’aiguille à 90° de la peau, que la distance de la marge où l’on pique est proportionnelle à la profondeur de la plaie, et que les marges doivent se toucher et être éversées. Concernant le retrait des points de sutures, on recommande en général de la faire après 7 jours. Pour les plaies qui subissent une plus grande force tensile, on les laissera en place pour une dizaine de jours. Les points au visage sont retirés plus rapidement, après 5 jours. Une alternative de l’utilisation de fil est la pose d’agrafes. Il s’agit également d’un matériel moins couteux et plus rapide à utiliser. Le désavantage est que l’on ne peut les utiliser pour les plaies nécessitant de la précision. La colle peut aussi être utilisée pour les plaies droites sans tension. Elle est particulièrement utile pour les plaies au niveau de l’oreille, ou chez les enfants. La dernière option qui s’offre à nous est le point de rapprochement ou stéristrip. Encore une fois, on les utilise pour les plaies droites et sans tension. Aussi, ils sont utiles pour relâcher la tension ou ré-approximer les berges après avoir fait des points de sutures si le résultat n’est pas parfait.

   Suite à l’évaluation et à la réparation de la plaie, il faut déterminer si le patient a besoin d’antibiotiques. D’emblée, on ne prescrit pas d’antibiotiques de routine. L’irrigation et le débridement des tissus dévitalisés sont les facteurs les plus importants pour la prévention des infections. On va débuter une antibiothérapie pour les plaies à risque élevé d’infection, soit les plaies fortement contaminées avec de la terre, des selles, les traumas contondants avec des tissus écrasés, les plaies en contact avec les espaces articulaires ou les fractures ouvertes, celles qui traversent complètement la peau au niveau de la bouche et les morsures animales et humaines. Il faut également donner un antibiotique chez tous les patients immunosupprimés. En général, une pénicilline ou une céphalosporine sont les antibiotiques de choix. La clindamycine est une bonne alternative lorsqu’il y a une allergie à la pénicilline. Lorsqu’il y a un traumatisme, il faut vérifier le statut immunitaire du patient pour le tétanos. Une dose de rappel du vaccin doit être donnée au patient dont le statut vaccinal est inconnu ou incomplet. Les immunoglobulines ne sont administrées que chez un patient avec une plaie souillée et dont le statut immun est inconnu ou incomplet.

   Finalement, au moment de donner congé au patient, il est important de lui donner des conseils de départ clairs. Ces derniers sont trop souvent oubliés, mais ils sont essentiels. Ainsi, le patient doit être avisé de revenir consulter s’il commence à avoir des signes d’infection, soit de la rougeur au pourtour de la plaie, de la chaleur, de l’œdème, persistance ou augmentation de la douleur, un écoulement purulent ou de la fièvre.

   En conclusion, même si la plaie semble simple, un examen complet et minutieux est nécessaire afin de prévenir toute complication; et lors de la réparation d’une plaie, il faut garder en tête nos 3 objectifs: minimiser les risques d’infection, assurer la fonctionnalité de la partie atteinte et optimiser l’aspect esthétique; sans oublier de choisir la bonne technique, le bon matériel et la nécessité de soins complémentaires.

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